Home Best of PIERRE-ETIENNE MINONZIO

Remonte le terrain

Benzema & Booba

Jadis, musique et football semblaient inconciliables : suspicion de beauferie chez les mélomanes, d’intellectualisme forcené chez les amoureux du ballon. Mais un soir de juillet 1998, le foot est devenu cool chez les esthètes. Pourtant, du foot-samba à l’Ange Vert (Dominique Rocheteau) en passant par I Will Survive, les deux mondes ont toujours dialogué. Pierre-Etienne Minonzio, journaliste à L’équipe, a planché sur la question, traqué les partitions dans les tribunes et les hors-jeu dans les studios. Bilan : la clef de sol et le gazon sont compatibles. Décryptage.

A qui s’adresse ce manuel ?
Aux amateurs de musique qui apprécient un peu le football, et aux passionnés de foot qui sont un peu branchés musique. Lorsqu’on évoque les liens entre ballon et chanson, la première chose qui vient à l’esprit de beaucoup, c’est Tous Ensemble, de Johnny Hallyday, pour la Coupe du Monde 2002. Ce livre est donc là pour rappeler qu’il existe aussi de bonnes chansons sur le sujet. Et c’est une recherche sans fin.

Les chansons commémorent ou mythifient certains exploits, non ?
Pas toujours. Certains matches historiques ne sont associés à aucune chanson. La victoire de l’OM en 1993, par exemple. Et parfois, il y a fusion, le meilleur exemple étant I Will Survive, pour France 98. Une chanson sans intérêt mais qui évoque aujourd’hui cet événement et ce délire collectif.

Et les défaites ?
Oui, prenez France-RFA, lors de Séville ‘82 : on entend la rencontre dans Solexine et Ganja, de H-F Thiéfaine. Quant au chanteur Bartone, il explique dans France/Allemagne 82 qu’une rupture amoureuse ne sera jamais aussi douloureuse que ce match.

On entend souvent dire que les joueurs ont des goûts de chiottes…
Moi, j’ai des goûts de lecteur des Inrocks, et je ne veux pas juger. Dans tous les championnats européens, il y a au moins un connaisseur en pop rock. En France, on peut citer Dominique Rocheteau, qui était batteur et faisait des allers-retours Saint-Etienne-Paris  pour voir un concert. Il a même écrit dans Rock&Folk ! (ndlr. En fait, il a simplement été interviewé, mais c’est déjà bien).

D’autres exemples ?
La boîte de prod’ de Vikash Dhorasso se nomme Trompe Le Monde, comme l’album des Pixies. Ou l’écossais Pat Nevin, joueur de Chelsea qui a quitté un match à la mi-temps pour se rendre à un concert de New Order. Il était ami avec John Peel et est devenu DJ ensuite. Enfin, Mehmet Scholl, ancien milieu de terrain du Bayern, anime une radio locale bavaroise et, le jour de sa retraite, il a donné une immense fête, en accueillant un groupe canadien indé, The Hidden Cameras. Les images sont visibles sur le Web : durant le concert, Scholl danse tout seul près de la scène. Les joueurs du Bayern sont autour mais ne comprennent pas la musique.

Est-ce qu’un joueur peut préparer un match en musique ?
Ça dépend des championnats. En Angleterre, c’est musique à fond dans les vestiaires, les joueurs français  hallucinent complètement quand ils débarquent ! Là-bas, on estime que la musique te met dans un état d’esprit particulier. En France, on considère que ça distrait le joueur, le fait sortir de son match et empêche le coach de passer son message.

Je crois qu’il y a eu des tentatives quand même.
Oui. Bruno Bini, sélectionneur de l’équipe de France féminine, pensait qu’on devait passer une chanson avant les matches, même une chanson triste. Par exemple, Un Homme Heureux de William Sheller. Pas le morceau le plus fun de tous les temps mais selon lui, à ce moment là, l’équipe vivait un moment de communion durant lequel on pouvait construire quelque chose. Il a poussé le délire jusqu’à inviter Liane Foly lors du dernier Euro féminin. Elle devait créer un environnement musical propice autour de l’équipe. Elles ont été éliminées en quart de finale.

Le foot et la musique appartiennent tous deux à la culture populaire. Les goûts des footballeurs témoignent-ils d’une évolution sociale ?
Platini m’a confié aimer Michel Sardou, car « c’est le premier qui disait des trucs dans ses chansons » (Rires). Aujourd’hui, le hip-hop a pris un rôle central. Lors de la qualification de la France pour la Coupe du Monde, Benzema a pris le micro de TF1 et dédié son but à Booba. Ce sont les mêmes valeurs : être toujours dans le rapport de force, toujours s’affirmer, parfois au détriment du collectif : c’est le ballon d’or qui compte. Je ne dis pas que c’était mieux avec Platini. C’est simplement une évolution de la société. C’est l’une des idées de ce bouquin : pour comprendre le football d’aujourd’hui, écoutez ce qu’écoutent les joueurs.

 

Hommage de Justin(e) à J-C Suaudeau, créateur du jeu à la Nantaise

 

New OrderWorld In Motion
Avec le fameux rap de Kevin Barnes et ce refrain, E For England, ou comment faire avaler tranquillement la pilule !

 

Un hommage au King Eric par Raymond Bizarre. Il a beau être anglais, il a quand même l’accent flamand, non ?

 

Plutôt flippante, et située en face B de la non moins guillerette Pour la femme veuve qui s’éveille, la chanson Supporters est dédiée aux… supporters de l’AS St-Etienne, les suppliant de ne pas lâcher les Verts.


Il y en a encore beaucoup d’autres, mais on vous invite à consulter cette page (non exhaustive) de l’excellent blog Le Footichiste.

 

Propos recueillis par Sylvain Coatleven

à lire / Pierre-Etienne Minonzio, (éd. Le Mot Et Le Reste), Petit Manuel Musical du football, 272p., 20€

Articles similaires