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Compositions sur-mesure

© Laurent Pignon © Linda Bujoli

« Une première mondiale », s’enthousiasme le directeur, Bruno Girveau. « Air a composé la BO du musée ». Effectivement, le célèbre tandem a créé des compositions uniques à plus d’un titre pour mettre en musique le Palais des Beaux-Arts de Lille. L’institution, qui a souvent accueilli des créations contemporaines, devient source d’inspiration : ses collections, mais aussi ses murs et ses volumes devinrent muse des Versaillais – qui ne sont pas venus seuls.

Dès l’entrée, on est saisi par les douces mélopées nimbant l’atrium. Aux (très) hauts plafonds, sont accrochées huit enceintes installées de façon circulaire. On va, on vient, on s’arrête au cœur de ce cercle informel pour goûter aux rêveries ambient, façon Tangerine Dream ou Pink Floyd, semblant jaillir du ciel. Grâce au logiciel Spaces, développé par le GRM, on entend et voit quasiment les instruments circuler d’une source à l’autre. « L’atrium est vaste et possède une réverbération de sept secondes et demie… Pour une salle de concert, ce serait l’horreur !, explique Jean-Benoît Dunckel. Nous avons donc pris en interview compte cette réverb’ naturelle, l’avons reconstituée en studio et composé en tenant compte de cet écho ». Inutile de préciser alors que ce dispositif ne sera pas itinérant, puisque totalement pensé et conçu pour l’endroit. « Une autre contrainte fut de refuser la mélodie, poursuit Nicolas Godin. Le musée étant ouvert de 10 à 18 heures, le personnel serait devenu fou ! »

Peinture sonore

À l’étage, où les volutes de l’atrium effleurent l’oreille, les deux musiciens ont choisi cinq toiles pour proposer une drôle d’expérience. Approchez-vous du Martyre de Saint-Georges, de Veronese, par exemple. Non, mettez-vous bien dans l’axe. Juste en face. Là, voilà : vous entendez ? Aux nappes ambient de l’atrium, répondent des rythmes fracassés ici, quelques tintinnabulements ailleurs. Décalez-vous et… vous n’entendrez plus rien. Créés par l’entreprise roubaisienne A-Volute, ces hauts-parleurs unidirectionnels confèrent une dimension, hum, ludique et interactive à l’ensemble. Les auteurs de Moon Safari (1998) avaient imprégné nos cortex avec Virgin Suicides (2000) et sonorisé Le Voyage Dans La Lune (2012) – voici qu’ils imaginent la bande-son de tableaux signés Lastman, De lorme ou Delaunay. Cet aller-retour entre le son et l’image demeure la marque de fabrique du duo, et cimaises et couloirs prennent une toute autre allure – comme si, d’un tableau à l’autre, une histoire était contée, comme si l’oreille dirigeait le regard. « Ce serait bien que, dans quelques années, les gens trouvent normal d’admirer les œuvres en musique, comme c’est la règle au cinéma » espère Nicolas Godin. Son complice poursuit : « Nous étions un peu gênés au début, car la plupart des artistes présentés sont décédés ».

Patrimoine et création

Heureusement, le binôme a convié quelques artistes bien vivants au sous-sol. « Nous travaillons depuis longtemps avec des plasticiens, réalisateurs, sculpteurs, photographes… explique Nicolas Godin. Cela nous permet de rompre la mécanique du showbusiness : une sortie d’album, une tournée, une sortie d’album, une tournée… Une fois un disque achevé, nous confions la conception de la pochette à un ami, celle des clips à un autre… Cela permet de prolonger notre univers ». (voir encadrés). Sous les voûtes des salles consacrées au Moyen-Âge, on passe en revue crucifiés, gisants et autres bustes. Eux que l’on a si souvent contemplés dans un silence (quasi) religieux semblent soudain plus… vivants. On peut véritablement parler de dramaturgie – d’inéluctable fuite du temps ? Pourquoi pas. Propices à la contemplation, ces instrumentaux s’ouvrent à toutes les interprétations. Et la suite, pour le tandem ? « Ce que nous avons composé ici était spécialement pensé pour le musée, donc je ne pense pas que cela nous influencera à l’avenir, conclut J-B Dunckel. En revanche, et afin de sortir du rapport entre musique et art contemporain, nous souhaiterions appliquer tous ces procédés techniques à un format pop ».

Thibaut Allemand
Informations
Lille, Auditorium du Palais des Beaux Arts de Lille

Site internet : http://www.pba-lille.fr/

11.04.2014>24.08.2014lun, 14h>18h, mer>dim, 10h>18h, 6,50/4€, À noter / Nuit des Musées,
17.05, 18h>minuit, gratuit
21.05, 19h30, Rencontre avec le groupe
Air, 20h30, Le Voyage dans la lune + Virgin
Suicides, reservationpba@mairie-lille.fr
04.06, 19h>22h, Atelier de modèle vivant,
interventions chorégraphiques, visites… gratuit,
Réservé aux étudiants et moins de 26 ans.

Yi Zhou

Hear, Earth, Heart (2008) – On se pose quelques instants devant le court-métrage onirique de Yi Zhou, projeté face au bas-relief Le festin d’Hérode, de Donatello et mis en musique par le duo – Music For Museums, aurait suggéré Brian Eno.

Linda Bujoli

Land Me (2012) – Ici, on prend le contre-pied de la vision classique de « LA femme ». Comment ? En plaçant ironiquement La Vérité de P-J Cavelier à l’entrée de sa salle où sont exposées 12 photographies présentant les femmes hors des modèles déposés, en mouvement et dans une lumière soigneusement étudiée – on jurerait que ces clichés sont rétro-éclairés. Au centre, une sculpture diffuse un titre de Air, donnant à l’ensemble des allures de conte fantastique.

Xavier Veilhan

Jean-Benoît et Nicolas (2012) – Ces deux statuettes représentant les musiciens font forcément écho à la pochette de Pocket Symphony (2007), signée du même Veilhan. Pour mémoire, le tandem avait également collaboré avec le plasticien pour son spectacle Aérolite, en 2007, signant une composition pour harpe japonaise (Koto) et synthétiseur.

Mathias Kiss

Mercure (2014) – Un sombre jeu de miroirs, dans la salle des plans-reliefs (des maquettes militaires de villes du Nord sous Louis XV). Le septième art n’est pas loin et Air livre un morceau guerrier, quasi tribal.

 

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