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Un héros très discret

© Cédric Keffer

« J’écoutais de la musique électronique avant de découvrir la techno, se souvient Michel Amato, alias The Hacker. La new wave, Depeche Mode, Kraftwerk… Puis sont arrivés les sons de Détroit et Chicago. Tout est parti de là ». C’était il y a plus de vingt ans et depuis, le Grenoblois a fait du chemin. Moitié d’un duo légendaire avec Miss Kittin, fondateur du label GoodLife, puis Zone (avec Gesaffelstein), The Hacker publie seulement son troisième album – enfin, la première moitié. Pour en dire plus, l’homme sort de l’ombre.

Tu es originaire de Grenoble, tout comme Miss Kittin, Oxia ou Kiko. Comment expliques-tu que cette ville ait vu émerger autant de piliers de la techno française ?
Nous nous sommes connus dans les raves, au début des années 1990. Nous avons tous découvert cette musique à peu près en même temps, et nous nous sommes rapidement investis. Certains étaient Djs, d’autres, comme Oxia et moi, produisions déjà un peu. Forcément, tout ce petit monde a créé une émulation.

En composant ce nouvel album, avais-tu idée précise en tête ?
Pour mes deux premiers Lps, Mélodies En Sous-Sol (2000) et Rêves Mécaniques (2004), j’ai trouvé facilement une direction. Ce fut beaucoup plus compliqué pour Love/Kraft. Durant deux ans, j’étais vraiment en panne d’inspiration, je tournais en rond et ne savais pas trop où j’allais. Puis en 2013, tout s’est enfin débloqué. J’ai fait une sélection des morceaux et m’y suis tenu en m’interdisant de tout recommencer.

Pourquoi publies-tu Love/Kraft sous la forme de deux maxis, espacés de plusieurs mois ?
C’est le fruit d’une réflexion que j’ai eue avec Gesaffelstein, avec qui j’ai monté le label Zone. Aujourd’hui, je trouve que les gens passent très vite à autre chose. Tu bosses sur un album durant des mois, tu t’investis beaucoup jusqu’à la sortie et, quelques jours après, les gens l’ont oublié. C’est pourquoi j’ai privilégié deux parutions. De plus, le fait que Love/Kraft soit le fruit d’une période un peu difficile pour moi m’a aussi incité à le sortir sous un format original. De toute façon, nous éditerons une version finale réunissant les deux parties, avec quelques titres inédits.

L’idée est d’avoir une partie assez dure, et la seconde plus calme ?
Oui, bien que ce ne soit pas quelque chose de complètement nouveau pour moi. Cette dualité revient toujours dans ma discographie, parfois au sein d’un même morceau.

The HackerLes années 2000 furent marquées par l’appellation fourre-tout de “minimale”. Or, on revient à des sons beaucoup plus radicaux, plus techno. Soulagé ?
Soulagé, c’est un peu fort. Mais c’est vrai que la minimale fourre-tout, comme tu dis, ne m’a jamais touché. Tout n’est pas à jeter, des choses excellentes sont sorties durant cette décennie. Cela dit, ce retour des sons un peu plus durs ne me déplait pas, on tourne moins en rond.

Tu es un grand amateur d’electro “originelle”, que Dopplereffekt incarne à merveille. Comment expliques-tu que ce genre musical ait finalement si peu de représentants aujourd’hui ?
C’est tout à fait normal, puisque c’est une musique difficile d’accès. Il faut du temps pour l’apprivoiser et ce n’est pas vraiment le style idéal pour faire danser les gens en club.

Tu as presque 20 ans de carrière derrière toi et participé à la naissance du mouvement techno… L’an passé, tu rejoignais la tournée We Are 2014 aux côtés d’une nouvelle génération. Te retrouves-tu dans cette scène ?
Ce qu’on appelle la french touch 2.0 n’a jamais été mon truc. Je me fous complètement de “l’école Daft Punk”. Mais l’énergie de cette nouvelle génération est très intéressante, car les barrières de styles sont plus floues qu’il y a quelques années. Il y a un échange, à l’exemple de Gesaffelstein.

Comment expliques-tu le fait que la musique sombre de Gesaffelstein fédère un tel public ?
Ça tient à l’énergie avant tout. Au départ, son public se composait de fans de Justice et d’Ed Banger. Ses productions ont des points communs avec cette scène dans leur construction, notamment la manière d’utiliser les breaks. Tout cela marié au meilleur de l’electro et à une techno sombre donne quelque chose de novateur.

À l’inverse, tu as toujours cultivé une certaine discrétion.
C’est sûr que devenir une star ne m’a jamais intéressé. Après, ça fait aussi partie du jeu et ça ne me dérange pas. En revanche, je souhaite réussir à durer dans le temps sans me lasser.

propos recueillis par Clément Perrin, crédits photo : Mathieu Cesar / Cédrit Keffer / DR
The Hacker, Love/Kraft, cover

The Hacker, Love/Kraft, cover

À écouter /
Love/Kraft part 1 (Zone/ La Baleine)
Love/Kraft part 2 (Zone/La Baleine, sortie 09.14)

À visiter /
www.zone-music.fr
soundcloud.com/the-hacker

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