Home Exposition André Fougeron

L'art du combat

© Photo : A. Leprince © ADAGP Paris 2014

L’existence d’André Fougeron (1913-1998) correspond, peu ou prou, à ce que l’historien Eric J. Hobsbawm nommait « le court XXe siècle ». Un âge des extrêmes pour le moins tourmenté. Da ns cette tempête, le peintre parisien est fermement resté ancré à gauche, du côté du peuple. Pour ce militant communiste, l’art doit être utile.

« Le xxe siècle a demandé aux artistes de prendre position, explique Bruno Gaudichon, commissaire de cette rétrospective exceptionnelle (voir son interview ici). Or, Fougeron est moins un peintre engagé qu’un engagé, peintre ». Cette implication de chaque instant, alliée à une curiosité et une recherche esthétique, est parfaitement explorée dans ces dix salles thématiques. Les débuts en autodidacte, l’engagement durant la Seconde Guerre Mondiale, le soutien aux décolonisations (Algérie, Indochine, Viet-Nâm…), l’hommage à Courbet, le voyage en Italie ou encore le Nouveau Réalisme Français, rien n’est oublié. Il manque tout de même quelques toiles, hélas retenues à Moscou (Musée Pouchkine) ou à Londres (Tate Modern).

Un moment charnière

Tout débute dans les années trente, où l’éclosion des maisons de la Culture (le terme apparaît dans les années 1930, déjà porté par Malraux) et les cours du soir permettent à cet ouvrier métallurgiste, fils de maçon, d’aborder la peinture. Lié au groupe des Indélicats (citons Édouard Pignon, Maurice Estève, Gabriel Robin…) il adhère cependant au PCF, auquel il demeurera fidèle sa vie durant. Cette période, de la guerre d’Espagne à la Libération, est très importante pour Fougeron et ce, à plusieurs niveaux : résistant, il transforme son atelier en imprimerie clandestine. D’un point de vue pictural, l’artiste s’essaie, durant cette grosse décennie, à plusieurs techniques : délaissant l’expressionnisme, il tente quelques recherches para-surréalistes et s’intéresse, par l’intermédiaire de Jacques Villon, au rapport entre couleur et lumière.

Une vie de luttes

Célébré à la Libération, il se brouille un temps avec Louis Aragon (la fameuse affaire du Portrait de Staline par Picasso) et surtout, continue de lutter. Ainsi, ses oeuvres réalisées dans le bassin minier choquent les bourgeois parisiens confrontés aux horreurs (euphémisme) de cette vie ouvrière (Le Pays des Mines, 1950). Bien qu’affichiste pour le PCF, son art ne relève pas du Réalisme Socialiste : il ne décrit pas un âge d’or à venir, mais dépeint la (triste) réalité. En cela, Fougeron est vraiment l’héritier des Naturalistes français (Lepage, etc.) et surtout de Courbet, auquel il dédie l’audacieuse Suite Courbet (1977). Dans les années quatre-vingt, le peintre évoque l’incarcération de Nelson Mandela et s’oppose à la guerre du Golfe. Pourquoi Fougeron est-il aujourd’hui délaissé, voire tombé dans l’oubli dans l’Hexagone ? À en juger par ce parcours, on se pose encore la question.

Retrouvez l’interview de Bruno Gaudichon ici.

Thibaut Allemand
Informations
Roubaix, Musée d'Art et d'Industrie André Diligent - La Piscine

Site internet : http://www.roubaix-lapiscine.com/

15.02.2014>18.05.2014
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