Home Best of Interview Marc Ysaye – Classic 21

La Cour des grands

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En 2004, directeur de Radio 21, Marc Ysaye propose à la RTBF de scinder la chaîne. Une station « jeune » (Pure FM) et la seconde plus « adulte », Classic 21. Un choix étonnant : ne peut-on pas apprécier Bob Dylan autant que Daft Punk !? « Les esprits semblent plus ouverts aujourd’hui, confie le directeur. Le rock est inter-générationnel, les chapelles ont disparu. Pas sûr que je prendrais la même décision en 2014 ». En attendant, Marc Ysaye nous livre quelques clés d’un succès qui dépasse ses espérances.

Comment présenteriez-vous Classic 21 ?
Comme la radio des classiques du rock et de la pop. Un espace pour des artistes comme Deep Purple, Pink Floyd, Led Zeppelin, les Beatles et les Stones, Bowie, le Velvet et j’en passe… Nos classiques ont tous marqué une époque et comportent une grande valeur musicale ou affective. C’est pourquoi vous entendrez aussi Roxy Music, The Strokes, Blur, Bashung, Marvin Gaye ou Depeche Mode…

Qu’est-ce qui vous distingue d’une quantité de radios dites rock ?
Attention, on n’est pas une radio « pop rock » : on met en avant la notion de classiques. Sur les antennes que vous évoquez, on entendra rarement Jethro Tull, Jefferson Airplane… Passer des disques, tout le monde peut le faire. La musique chez nous n’est pas seulement diffusée, elle est racontée, remise dans son contexte par des gens qui possèdent une expertise. On se documente sans cesse.

La tonalité en soirée varie-t-elle ?
Oui. Il ne faut pas rêver, on ne fait pas d’audience en passant Led Zep sans arrêt. La programmation est plus mainstream en journée. Et le soir, c’est l’heure des émissions plus pointues, consacrées au blues, au rockabilly, au boogie ou au metal. Sans oublier la musique californienne, ou la période yéyé dont certains titres sont à mourir de rire. Enfin, le week-end, on réserve une belle place à la soul, au jazz et au funk.
Comment ne pas vieillir en revendiquant à ce point les classiques ?
On n’est pas bloqués dans les années septante, on reste attentifs à tout ce qui sort… Par exemple, on n’est pas béats d’admiration devant les albums de Genesis qui ont pris un sacré coup de vieux. Notre spectre est large, mais c’est vrai que l’on fait l’impasse sur le rap et les musiques électroniques actuelles, malgré leur qualité. C’est le travail de Pure FM, qui s’en charge très bien. C’est un choix « rédactionnel » parce que nous nous inscrivons dans une offre complète de la RTBF.

Comment trouvez-vous alors votre équilibre ?
On joue au moins une ou deux nouveautés par heure. Parfois plus. Là, depuis qu’on parle, on a entendu le dernier Bowie et Trixie Whitley, une Gantoise de 24 ans qui fait preuve d’une rare maîtrise vocale. On accueille aussi avec grand plaisir des jeunes pousses comme Jake Bugg, digne rejeton de Dylan, ou encore Jacco Gardner qui lorgne vers Syd Barrett. Ces artistes sont intergénérationnels. à l’inverse, on note l’augmentation d’un public composé de petits gars qui demandent sans cesse qu’on leur passe Black Sabbath, Hendrix et The Doors. Le mix de tout cela, ce croisement entre artistes et public, fait tout le succès de notre radio.

Quels sont vos meilleurs souvenirs ou déceptions ?
Il y en a plein… J’ai réalisé des centaines d’interviews dans ma carrière. Mais, s’il ne fallait en retenir qu’une ou deux, ce serait évidemment ma rencontre avec McCartney, en tête à tête, c’était un très très grand moment. Je me suis aussi retrouvé tout seul face aux Stones ! Vrai qu’il y a aussi des déceptions. De toute façon, il existe une règle absolue : plus on monte dans la « hiérarchie », plus les gens sont chouettes. Avec un type comme Billy Joel, ça s’est très mal passé. Une teigne ! Cela a duré une minute : je lui ai dit salut, au revoir et merci. Mais on s’en fout.

Quelle ambition aviez-vous pour Classic 21 au départ ? Comment a-t-elle évolué depuis sa création ?
Personne ne lance une radio sans avoir envie d’être un peu écouté. Ici, on est quand même 30 équivalent temps plein, avec des moyens, un budget, des émetteurs, un réseau… Mieux valait ne pas se planter. Or, ce n’était pas évident de débarquer avec un format qui n’existait pas en Belgique, ni en France d’ailleurs. Eh bien, très sincèrement, le résultat a été au-delà de toutes nos espérances. Aujourd’hui lorsqu’on additionne les parts de marchés réalisées pas Classic 21 et Pure FM, on a quasiment triplé l’audience de Radio 21. Pure FM tourne autour des 3% de parts de marché et Classic autour de 8% (Radio 21 réalisait alors 4 %). Si cela n’avait pas marché, j’aurais été le type qui a détruit Radio 21 pour rien…

Propos recueillis par Nicolas Pattou

Des chiffres et des lettres

✪ 6e place des radios les plus écoutées dans la Fédération Wallonie-Bruxelles
et la 2e du groupe RTBF(après VivaCité)
✪ 295 510 auditeurs en moyenne par jour*
✪ 2h47 de durée d’écoute moyenne par jour*
✪ 8,34 % de parts de marché
✪ 43 heures d’émissions thématiques par semaine programmées et commentées
par des spécialistes musicaux
✪ 120 artistes nationaux et internationaux interviewés par les animateurs de la chaîne en 2012
* Source : CIM, Etude tactique Radio, Premier semestre 2013 (22 août)

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