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Tout autre

© Jochen Littkemann

Quel rapport entre les figures renversées, richement colorées, de Georg Baselitz, et les magmas de peinture auxquels on associe spontanément le travail d’Eugène Leroy ? Aucun. Rien qui traduise visiblement les influences réciproques de deux peintres se vouant pourtant une admiration réciproque. Rapprochement impensable, donc, mais dialogue possible : le MUba fait le pari de la cohabitation.

Les trajectoires des deux artistes se sont croisées une première fois en 1961 lorsque Baselitz, en quête de nouveauté, découvre à Paris les tableaux du Tourquennois. Vingt ans plus tard, instigateur d’une exposition à Cologne, Baselitz affirmera avoir “fait” Leroy. On comprend que ces circonstances aient noué des liens étroits entre les deux hommes. Mais, sur le plan de la démarche créatrice, où situer leur terrain d’entente ? Car c’est bien l’antagonisme des deux univers qui frappe d’abord. Et Rainer Michael Mason, ami de l’Allemand et commissaire de l’exposition, ne cherche pas à le résoudre : « Ce qui les unit, c’est une adhésion admirative, c’est tout. Mais il est important de montrer que c’est dans la quête et la découverte du tout autre justement, que l’artiste se déprend des influences pour trouver sa propre écriture… ».

Irréductibles
Cette exigence d’altérité explique sans doute pourquoi Baselitz, opposé au principe d’une exposition commune, n’a accepté l’initiative du MUba qu’avec l’assurance qu’elle prendrait la tournure plus informelle d’une cohabitation. Autant dire que le visiteur n’a pas à attendre d’autre éclairage que celui jeté sur les tableaux eux-mêmes. Qui se rejoignent dans la manifestation d’une très grande implication physique des protagonistes : le tumulte de la matière sédimentée, chez Leroy, répond aux nombreux accidents de surface de Baselitz (empreintes de semelles, de pots de peinture…). Ces renversements et ces stigmates de la création en retardent l’appréhension intellectuelle. Qu’on cherche d’abord à les lire, et ces oeuvres nous résisteront longtemps. Mais on peut envisager cette résistance comme une libération – des facilités de la narration, de la figure… Alors on se trouve, de part et d’autre, aux prises avec l’acte de peindre, avec la matière, avec la peinture elle-même. Tiens, voilà qui s’apparente à un beau point commun.

F-X Beague
Informations
Tourcoing, MUba Eugène Leroy

Site internet : http://www.muba-tourcoing.fr/

>24.02.2013

https://www.lm-magazine.com/?p=7166

Baselitz-Leroy, Le récit et la condensation
Jusqu’au 24.02, Tourcoing, Muba, tlj sauf mar. et jours fériés, 13h>18h, 5/3€/grat., www.muba-tourcoing.fr

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