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L'échappée belle

Katell Quillévéré

Chérie par un père souvent sur les routes, inséparable de sa sœur Maria, Suzanne fleurit chaque mercredi la tombe de sa mère. Devenue adolescente, elle choisit de garder un enfant arrivé par accident. Mais disparaît quelques années plus tard avec Julien, petit voyou marseillais, pour vivre une passion hors de contrôl

« Suzanne a sans doute manqué d’amour, confie la cinéaste Katell Quillévéré. C’est pourquoi elle a besoin de s’abandonner entièrement à ce garçon ». À l’entendre, Suzanne a partagé sa vie pendant trois ans. Plongée dans des autobiographies de compagnes de délinquants, elle livre un second long-métrage à la teneur documentaire. La mise en scène maîtrise l’ellipse : on ne verra rien de l’accouchement, de l’apprentissage de la maternité ou de la cavale des deux amants. Puissant, ce hors-champ démultiplie la force d’un récit étalé sur 25 ans. Sara Forestier prête ses traits, sa fougue et la pudeur nécessaire à l’ambivalente Suzanne. « Il fallait laisser de la place aux émotions du public ». Un pari de taille : rendre attachante, malgré les tabous transgressés, cette jeune femme qui reçoit beaucoup mais donne peu. L’oeuvre s’attarde aussi sur le quotidien d’une famille modeste, où l’amour est multiforme : entier entre un père et ses filles, romanesque entre un homme et une femme, et quasiment sacrificiel entre une cadette et son aînée. Porté par une bandeson vibrante, dont la chanson éponyme de Leonard Cohen version Nina Simone, Suzanne impressionne et bouleverse, longtemps après la séance.

Marine Durand

De Katell Quillévéré. Avec Sara Forestier, Adèle Haenel, François Damiens, Paul Hamy…
Sortie le 18.12


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