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Sans fausse note

Il y a les festivals amochés, cabossés par les années. Fermés sur eux-mêmes, dont la programmation se fane et les affiches passent inaperçues. Et puis, il y a ceux qui résistent au temps et, mieux encore, s’en font un allié. C’est le cas du Tourcoing Jazz festival, qui, à 27 ans, se renouvelle toujours et se bonifie comme un grand cru. Let’s swing

Outre le délicat passage du temps, franchi sans fausse note, Patrick Drehan et Yann Subts, les directeurs du TJF, ont fait face à un autre obstacle. Une idée reçue voudrait que le jazz soit sectaire, la bande-son d’une époque révolue. Dès lors, les festivals consacrés au style n’intéresseraient plus qu’une élite bourgeoise et vieillissante, maîtrisant un langage impénétrable. Balivernes ! Le TJF prouve le contraire chaque année. Ici ou ailleurs, le jazz n’a cessé d’évoluer. Respectueux des classiques ET briseur de conventions, ce genre a réinventé son écriture, intégré de nouveaux modes de production, notamment électronique. Sans parler de son ouverture totale sur le monde et de son cosmopolitisme…

Brassage à tous les étages !
Métissage reste le mot d’ordre du festival en 2013. Un parti pris qui traverse toute la manifestation : tant dans le choix des artistes que dans les lieux où ils se produisent et l’aspect visuel des concerts. Ainsi, au cœur du MUba, le jeu du pianiste Edouard Ferlet fait écho aux œuvres de l’exposition consacrée à Georg Baselitz et Eugène Leroy. La Méditerranée est à l’honneur avec le fado crève-cœur d’Ana Moura et, plus encore, avec la rencontre entre l’Algérienne Souad Massi, le Gitan Éric Fernandez et les chœurs de Cordoue dans un Grand Mix qui aura rarement aussi bien porté son nom. Cette affiche hybride atteint des sommets avec la réunion d’Erik Truffaz et Enki Bilal : le premier improvise sur des projections d’Animal Z, célèbre BD de Bilal, tandis que le dessinateur lui répond à coups de crayons, en fonction de la musique jouée sur scène… Enfin, si l’évocation du saxophone vous donne de l’urticaire depuis les années 1980, dites-vous que cet instrument n’a pas servi qu’à tapisser des spots publicitaires ou des titres du Top 50. Deux princes du genre, Kenny Garrett et Joshua Redma, lui rendent ici toutes ses lettres de noblesse. Est-il besoin de développer ici sur Eric Legnini et les voix d’Hugh Coltman, Mamani Keita et Yael Naïm ? Sans doute pas. Chacun retrouvera à Tourcoing l’esprit d’ouverture qui a marqué toute l’histoire du jazz.

Audrey Chauveau
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