Home Reportage Ouaga 2000

La pompe Afrique

jeremy bernard

De hauts buildings toisent le rare piéton de leurs façades insolentes, des bâtiments inachevés crèvent sous un soleil de plomb, et des rues vides serpentent dans le désert. Bienvenue à Ouaga 2000. Une ville-fantôme ? Pas vraiment. Une cité nouvelle plutôt, érigée à l’occasion du sommet France-Afrique de 1996. Les diplomates partis, ne reste que ce quartier sans âme, immortalisé par le Lillois Jérémy Bernard en 2012. Qui le dévoile, de nuit, sous un nouveau jour.

Jérémy Bernard et l’Afrique, c’est avant tout une histoire familiale. Son jeune frère est d’origine burkinabè. En 2003, le photographe, son frangin et ses parents visitent Ouagadougou. La famille découvre l’existence d’un drôle de quartier huppé nommé Ouaga 2000. « Les habitants voient ces constructions d’un mauvais oeil, explique l’artiste. Des sommes astronomiques ont été dépensées dans ces bâtiments. Et la plupart des administrations, ambassades, services publics ont été délocalisés là-bas ». Tout est concentré au même endroit, c’est pratique, pense-t-on naïvement« Oui, sauf que Ouaga 2000 est situé à 10 kilomètres de la ville » modère Jérémy. Entendu. « De toute façon, ce quartier n’a pas été construit pour la population. Il n’y a aucun bar, café, ou restaurant, on n’y retrouve pas du tout le mode de vie africain ». En fait, on n’y reconnaît pas grand-chose, puisque ces maisons, souvent vides, sont parfois acquises par de riches familles qui n’y vivent même pas – mais posséder une maison à Ouaga 2000, c’est afficher un certain standing.

ouaga 2000_jeremy bernard

ouaga 2000_jeremy bernard

Mise en lumière
Au Burkina Faso, un magazine comme Jeune Afrique s’est insurgé contre cette gabegie apparente. Mais le propos de Jérémy Bernard est tout autre, et délaisse la polémique pour l’esthétisme. « J’ai pris ces photos de nuit, ajoutant à la lumière des lampadaires celle de phares de moto. Pour mettre en lumière un paradoxe africain ». On devine en tout cas un sens certain de la composition. « Avec un simple appareil numérique, un trépied et un temps de pause d’une cinquantaine de secondes, je pouvais obtenir ce que je voulais ». Néanmoins, ce projet est un véritable work in progress. « Je souhaite retourner à Ouagadougou pour découvrir de nouvelles constructions, l’évolution de l’urbanisation… ». Jérémy Bernard et l’Afrique, c’est aussi une longue histoire.

 

Thibaut Allemand

À voir / exposition jusqu’au 22.09, Duren (près de Düsseldorf), Château de Burgau (dans le cadre du
festival Art Up’).
À visiter / www.jeremy-bernard.fr

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