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L'illusionniste

© Sergio Mora

« Je m’appelle Sergio Mora. Je suis né en 1714 mais je garde un esprit jeune. J’ai un chat qui s’appelle Elvis et une légère tendinite au genou droit », ainsi se présente ce graphiste espagnol. Pince-sans-rire, certes, mais surtout extrêmement précis et réfléchi à l’heure d’évoquer son travail. Si les oeuvres du Catalan mêlent tradition ibérique et clin d’oeil SF, allusions aux contes ancestraux et irruptions de la modernité, Mora refuse d’être qualifié de « surréaliste pop ». « Je préfère surréaliste rock ! ». Entretien.

Quand avez-vous commencé l’illustration ? Je dessine depuis l’enfance, comme à peu près tout le monde. Sauf que je ne me suis jamais arrêté et un jour, on m’a payé pour ça.

À quoi correspond Magicorama ? Gamin, je suis tombé dans un chaudron de potion magique. Depuis, je vis sous une influence surnaturelle. Plus sérieusement, je préfère ne pas trop analyser mes oeuvres, au risque de tuer cette fameuse magie. Je dirais quand même que j’essaie de jongler avec les codes et les époques, de défier les limites et les courants, pour simplement exister. La patine d’un tableau permet de l’apprécier avec distance.

Votre travail est traversé de références à l’Espagne et à la Catalogne (torero, danseuse typique, jambon…). Quel est votre rapport avec votre pays d’origine ? Je suis né et j’ai toujours vécu à Barcelone. L’Espagne et la Catalogne en particulier sont très cosmopolites. On peut porter cette histoire en rejetant toute forme de nationalisme. Cette iconographie folklorique charrie une grande force symbolique hors de nos frontières. Si un couturier signe une collection marquée par le folklore espagnol, il fera la couverture de Vogue. Mais ici, c’est mal vu et considéré comme ringard, trop provincial, surtout en Catalogne. Cette série joue précisément avec ces préjugés, afin de casser tous les codes.

Est-ce pour cela que l’on trouve des personnages de cartoon, M. Spock ou encore des références aux Pixies ? J’aime conjuguer la culture pop avec le folklore. Après tout, le folklore n’est que de la culture populaire devenue coutume, tradition. J’inscris mes personnages dans un jeu intemporel. Par ailleurs, je suis musicien, et ce sont la musique et le cinéma qui me procurent le plus d’émotion. J’essaie de transposer ces sensations dans ma peinture.

Les références au sexe sont également très fréquentes… Oui, j’aime mélanger des choses impossibles et briser des tabous. Le sexe n’est ni sordide ni diabolique, et je souhaite en donner une lecture ludique.

Enfin, la tauromachie est très présente. Êtes-vous un aficionado ? Je ne suis ni un aficionado, ni un détracteur de la corrida. Je ne me suis rendu que deux ou trois fois dans une arène. J’y ai à la fois vu de belles choses et j’ai souffert. Comme dans la vie. Difficile de répondre en quelques mots, car j’éprouve des sentiments très contradictoires à ce sujet. Cela dit, je reste vraiment intéressé par la symbolique, la poétique, l’esthétique et la dimension plastique de la tauromachie.

Quels sont vos projets ? J’ai passé du temps à travailler sur une bande dessinée qui sera publiée cette année en Espagne et au Mexique. J’ai aussi plusieurs expositions en vue, à Barcelone et aussi en Suisse, au Mexique, à Los Angeles et en Allemagne.

Nicolas Pattou
Informations
A lire : La Foire aux nains de Vincente Ravalec et Sergio Mora, éd. du Rouergue, 15,30€
Las musas del teatro leve de Saul Alvarez Lara inspiré par les peintures de Sergio Mora, digital book, disponible sur iTunes, gratuit

« Je jongle avec les époques et les courants pour casser les codes »

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