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Les Nouveaux Explorateurs

Urbex. Ce nom barbare, abréviation d‘urban exploration, désigne l’exploration photographique de lieux abandonnés, interdits ou difficiles d’accès. Bénéficiant dans nos contrées de nombreuses friches et bâtiments à l’abandon, le phénomène a pris de l’ampleur. Mais les motivations des explorateurs sont variées et les fruits de leurs quêtes, inégaux. Phénomène de mode ? Goût sincère pour les ruines ? Chaussons nos crampons et allons voir.

 

Suffit-il de prendre son appareil photo et de pénétrer dans une usine ou une masure désertée, une ancienne chapelle ou un hôpital décrépi pour se dire explorateur urbain ? Non, car derrière l’Urbex, se déploient une philosophie et un code de conduite, énoncée par le canadien Jeff Chapman dans les années 90 : « Take nothing but pictures, leave nothing but footsteps » (« Ne prenez rien d’autre que des photos, ne laissez rien d’autre que des empreintes de pas »).

Jeu de pistes
Ce respect pour les lieux s’accompagne également d’un certain goût du secret : l’Hôtel Torrance, le Château des Singes ou le Home Sweet Home ne sont que des pseudonymes destinés à préserver les emplacements exacts, afin d’éviter les actes mal intentionnés (RIP le Château Clochard, détruit l’été dernier par un incendie vraisemblablement criminel). Si certaines adresses sont échangées entre passionnés, la quête d’un spot convoité fait partie du plaisir de tout urbexeur. Entre la recherche et le partage du trophée que représentent les clichés, n’oublions pas que l’explorateur aura reçu sa dose d’adrénaline : surveillance à déjouer (bien qu’une discussion suffise parfois, mais pas toujours, pour pouvoir continuer), accès à dégoter, squatteurs à éviter, planchers croulants à contourner… la dangerosité fait aussi partie du jeu, et a d’ailleurs contribué à développer une facette « tourisme extrême » de l’urbex. Ainsi, de nombreux explorateurs publient leur butin – des photographies, donc – sur un site, un blog ou une page Facebook.

De l’urbex à l’art
Historiquement, le but de l’exploration est d’abord de garder une trace, un témoignage du passé. Et parfois, le prestige des lieux (ampleur ou orioriginalité architecturale, rareté, etc.) a alors tendance à primer sur la qualité esthétique. N’évoquons même pas les photographes cédant aux sirènes du phénomène de mode, qui shootent au milieu de ruines des mannequins court vêtues, il ne s’agit pas là d’urbex. Certains sombrent également dans la retouche numérique à outrance, dont le résultat très artificel dénature les clichés. Mais de nombreux urbexeurs nourrissent aussi des aspirations esthétiques et artistiques, attirés avant tout par la poésie des vestiges, la beauté de ce qui fut et n’est plus, l’âme, l’aura de ces lieux appartenant à un passé révolu. Le butin-témoignage devient alors expression artistique à part entière. Peut-on alors encore parler d’urbex ? En tout cas, si les profils varient, un élément demeure : l’immuable attrait des ruines, que les explorations, aussi nombreuses soient-elles, ne sauraient dépouiller de leur mystère.

Texte : Audrey Jeamart / Photos : Audrey Jeamart & Thibault Krause
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