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Avec le temps

Carlos Sórin
© DR

Découverte en France avec Historias Minimas (2002) et Bombón El Perro (2004), l’œuvre de l’Argentin Carlos Sórin souffre, hélas , d’une diffusion en salles aléatoire. Réjouissons-nous donc de retrouver son écriture épurée, ses personnages ordinaires et… ses histoires minimales.

Marco s’est arrêté sur le parking d’une station-service. Plus assez d’essence pour aller jusqu’à la suivante, située à 450 kilomètres. Il traverse la Patagonie. Le pompiste tape à sa vitre, lui dit que le camion-citerne arrivera dans quatre heures… Que faire, sinon attendre ? Les récits de Sórin alternent toujours arrêt et relance. Des esquisses, des tentatives, plutôt que des actions fermes et déterminées. Rien d’héroïque chez ses personnages. Il suffit d’entendre l’ordre dans lequel Marco énonce les raisons de son voyage : les vacances, la pêche et… retrouver sa fille. Non pas que les retrouvailles ne lui importent pas : il préfère avancer prudemment, à tâtons. Le voyage est tissé de rencontres, de détours, d’attente. Les petites villes et les contrées désertiques que Sórin filme sans emphase favorisent le croisement de ces personnages. Ils butent l’un sur l’autre, échangent quelques mots sans importance avant de poursuivre leur route. L’art du cinéaste est en cela proche de celui du nouvelliste Raymond Carver. D’une banalité moins étrange et fantastique (chez Carver, les rencontres sont presque toujours des apparitions), elles affectent néanmoins les protagonistes de façon mystérieuse. Difficile d’en connaître les effets. Sórin en effet ne cède jamais à l’émotion facile, au lyrisme calculé (hormis pour la musique). Son film n’en est pas moins vibrant, à chaque instant, d’humanité.

Raphaël Nieuwjaer

avec Alejandro Awada, Victoria Almeida, Oscar Ayala…


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