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Bande à part

Près de deux décennies après ses débuts , et quatre ans après Entre Les Murs, le multi -récompensé Laurent Cantet signe Foxfire, Confessions D’un Gang De Filles. Nerveuse , au plus près du réel, cette adaptation d’un roman foudroyant de Joyce Carol Oates confirme , s’il le fallait , tout le talent du tandem Cantet-Campillo . Rencontre avec un sympathique chef de bande .

Comment est né ce projet, qui succède à votre Palme d’Or pour Entre Les Murs ?
Je ne planifie jamais le prochain film, j’ai toujours l’impression que cela me tombe dessus. J’adore être sur un tournage, mais je veux être sûr que ce que je raconte a du sens, et que j’ai envie d’y consacrer les quatre années qui vont suivre. Pour Foxfire, tout est parti du livre de Joyce Carol Oates que l’on m’a offert pendant le montage d’ Entre Les Murs. J’ai eu envie de traduire un choc de lecture.

Votre film épouse-t-il la trame du livre ?
Dans le livre, Maddy, la cinquantaine, retrouve également ses écrits de jeunesse. Mais ses souvenirs de lutte s’étaient un peu évaporés. On a donc tenté, avec mon co-scénariste Romain Campillo, de trouver le juste milieu entre le souvenir et l’immédiateté. De plus, le récit de Joyce Carol Oates m’intéressait pour les correspondances avec notre époque actuelle. Notamment la manière dont l’idéalisme d’un personnage se heurte à la puissance du réel, et la violence faite aux opprimés.

Comme dans Entre Les Murs, on retrouve des adolescentes…
Oui, leur énergie est très stimulante pour un réalisateur. J’aime explorer cette période de la vie, où l’on n’a pas encore tous les outils pour appréhender le monde. Ici, on assiste à la naissance d’une conscience politique chez ces jeunes filles qui n’ont jamais entendu parler du féminisme.

Comment avez-vous choisi vos interprètes ?
À Toronto, on a fait passer des essais à de nombreuses jeunes filles croisées un peu partout. Il fallait qu’elles soient à l’aise devant la caméra, mais aussi qu’elles fonctionnent bien ensemble. La question de la bande et de la place qu’on y occupe est un thème constant dans mon cinéma.

Vous avez très souvent recours à des interprètes amateurs, pourquoi ?
Je pense que je m’ennuierais avec des acteurs dont je sais ce que je peux attendre. Les amateurs apportent leur générosité et leur expérience de vie. Et puis, c’est aussi un plaisir de chercher des actrices, craindre que ça ne marche pas, rechercher la justesse ! Que va-t-il se passer quand on lancera la caméra ?

Justement, comment avez-vous tourné ?
Avec deux caméras et de longues prises, ce qui offre le luxe de laisser les choses arriver. On reste dans l’énergie. Les actrices vivent plus la scène qu’elles ne la jouent.

Comment avez-vous choisi le lieu de tournage ?
On a eu la chance de trouver une petite ville préservée, à 800 kilomètres au nord de Toronto. Certaines rues n’ont guère changé depuis les années cinquante ! C’était les décors que j’imaginais à la lecture du livre. Je me suis alors autorisé des mouvements de caméra à 360°, sans me retrouver coincé par des voitures, des buildings… Même si Foxfire a la couleur d’un film d’époque, je n’ai pas prêté une attention maniaque à la reconstitution des années cinquante.

Pourquoi pas une transposition de nos jours, dans ce cas ?
Parce que les années cinquante incarnent la période du Rêve américain, où tout semblait possible. Je m’intéresse aux laissés-pour-compte de ce rêve. Je souhaitais réaliser un objet hors du temps. Ainsi, la violence faite aux femmes demeure très actuelle. Je voulais montrer la continuité des luttes et des souffrances.

propos recueillis par Audrey Jeamart, photos © Pierre Milon, 2011 Haut et Court

Foxfire, Confessions D’un Gang De Filles
De Laurent Cantet, avec Katie Coseni, Raven Adamson, Madeleine Bisson, Claire Mazerolle, Paige Moyles, Rachael Nyhuus…

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(c) Michael Crotto / Gaumont