Home Agenda Valérie Donzelle & Jérémie Elkaïm

La concordance des temps

© Jean-Claude Moireau, Wild Bunch Distribution

Après La Guerre est déclarée (2011) Valérie Donzelli signe le plus léger Main Dans La Main. Jérémie Elkaïm campe un miroitier de province face à une Valérie Lemercier directrice des cours de danse de l’Opéra Garnier. Une rencontre improbable et un baiser échangé scellent leur destin. Comme sous l’emprise d’un charme, le couple devient fusionnel, inséparable. Les gestes de chacun se révèlent alors parfaitement synchrones. Une situation propice au x incidents comiques et à la mise à nu. Entretien avec Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm, les yeux dans les yeux.

Vous tournez avec une équipe qui revient régulièrement dans vos films. Avez-vous des acteurs à l’esprit pendant le processus d’écriture ?
VD : Ici, oui, car le scénario a été pensé pour Valérie, avec qui nous sommes amis depuis plus de dix ans. Nous y songions avant même de réaliser La Guerre est déclarée, mais le succès inattendu de ce dernier a retardé un peu les choses.
JE : On s’est retrouvé comme en famille, mais une petite famille qui a invité une amie. On écrit les rôles avec l’idée qu’il s’agit aussi d’un mini-documentaire sur les acteurs qui vont les incarner. Chacun vient avec son bagage, apporte un peu de lui même. C’est l’une des rares fois où Valérie Lemercier s’engage sur un projet aussi réduit, en termes de moyens et d’équipe. Et elle l’a fait pleinement, enrichissant énormément son rôle.

La danse est omniprésente. Pourquoi l’utiliser comme fil conducteur ?
VD : J’aime la danse, tant pour son aspect défouloir qu’esthétique. Étudiante,j’avais assisté à une conférence de Carolyn Carlson à la fac de Nanterre. Elle expliquait à quel moment un mouvement pouvait basculer dans le geste dansé. Elle disait : « Lever le bras une fois ce n’est pas de la danse, mais si l’on répète ce mouvement, alors ça le devient. Et si on le fait ensemble, c’est une chorégraphie ». J’ai gardé cette idée dans ma façon de filmer.

Ce n’est pas trop difficile de jouer et de réaliser de front ?
VD : Non, car j’ai toujours procédé ainsi. Mais cette fois, ayant un plus petit rôle, j’ai saisi la difficulté de transmettre mes envies. Car jouer rejoint la mise en scène : on précise l’intention, la coloration d’une scène.

À quoi correspondent le narrateur et ces voix off qui décryptent les situations ?
VD : Je crois que le narrateur représente la part consciente du film. Sans lui, il serait encore plus foutraque. C’est un film bavard avec des moments de silence. Car pour apprécier le plein, il faut ménager du vide. Travailler avec Jérémie permet cette précision. Il suscite des émotions que tout le monde a déjà ressenties.

L’objet final est-il assez proche de ce que vous aviez imaginé ou avez-vous eu des surprises ?
VD : Des surprises, oui ! La scène finale n’aurait jamais vu le jour de cette façon sans la proposition de notre ingénieur du son. Je pensais la tourner dans la rue mais à New York, il aurait été dommage de se priver du toit d’un immeuble !
JE : Le jeu contredit parfois le scénario et le fait évoluer. Ce qui nous a vraiment surpris, c’est que le film perd son ton burlesque au fur et à mesure : plus les personnages deviennent libres, plus on s’enfonce dans la mélancolie. Progressivement, ils se mettent en danger pour vivre plus intensément les choses. Ce mouvement émotionnel qui traverse le film, on ne l’avait pas du tout anticipé.

propos recueillis par Aurore Krol, photos © Jean-Claude Moireau, Wild Bunch Distribution

Main dans la main, de Valérie Donzelli – Sortie le 19.12
Avec Valérie Lemercier, Jérémie Elkaïm, Valérie Donzelli, Béatrice de Staël, Philippe Laudenbach, Serge Bozon, François Rollin

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