Home Agenda Moïra Sauvage

Aux armes citoyennes ?

Avant même la première question, Moira Sauvage tient à préciser qu’elle ne cautionne pas la violence. Responsable , durant six ans, de la Commission Femmes d’Amnesty International, cette fille d’un révolutionnaire irlandais s’est longtemps intéressée aux femmes qui souffrent. Avant de se pencher sur celles qui cognent, rendent les coups ou font régner la loi. Dans la police, l’armée, les guerillas et les gangs, Moira Sauvage a rencontré des combattantes . Elle leur a donné la parole dans Guerrières !, un essai qui interroge leur rapport à la force physique. Entretien.

Pourquoi ce titre, « Guerrières ! » ?
Pour trois raisons. Lorsque j’ai étudié les violences faites aux femmes, les victimes que j’avais en face de moi étaient Jenette Goldstein fortes et combatives. Elles s’engageaient dans la lutte contre contre les injustices ou pour le droit des femmes. Ensuite, pour écrire Les aventures de ce fabuleux Vagin (ndlr. 2008), à propos des fameux Monologues, j’ai rencontré son auteure, Eve Ensler et des actrices qui se présentaient elles-mêmes comme des « Vagina Warriors », des Guerrières du Vagin… Enfin, j’habite à côté d’un commissariat où je vois de plus en plus de policières. Leur façon de rouler des mécaniques m’a interpellée : pourquoi doivent-elles être aussi viriles ?

Quelle est votre définition de la violence ?
Il y a la violence physique, la brutalité, mais aussi la violence verbale, psychologique. Ce sont, en fait, toutes ces émotions négatives, la colère… Mais elle peut être sublimée et canalisée par le sport, par exemple.

La violence féminine est-elle un phénomène nouveau ?
On a toujours su que cette violence existait, mais on a essayé de la cacher par le biais de mythes utilisés comme des repoussoirs. Toutes les cultures possèdent des mythes de femmes fortes, autonomes, brutales. Comme Dourga en Inde, la déesse de la guerre ou Kâlî, celle de la Mort et de la délivrance, à la fois destructrice et créatrice. On peut également citer les Amazones, cette peuplade légendaire de femmes libres et combattantes, utilisant les hommes pour leur bon plaisir. Sans oublier les sorcières, plus près de nous.

Comment les femmes sont-elles accueillies dans les gangs, les clubs de sports de combat ou les forces de l’ordre ?
Les femmes ne sont pas admises à égalité dans ces milieux masculins. Dans les gangs, leur rite d’initiation est souvent le viol collectif… Et les guerilleras qui reviennent à la vie civile rencontrent d’énormes difficultés : on attend d’elles qu’elles retournent sans broncher au foyer, redeviennent de bonnes épouses, de bonnes mères, mais elles ne veulent plus jouer ce rôle.

Qu’arrive-t-il quand elles dénoncent les agressions qu’elles subissent ?
On répond que certains milieux ne sont effectivement pas faits pour les femmes. D’après une GI, l’endroit le plus dangereux pour les soldates américaines en Irak n’est pas le champ de bataille mais le chemin des latrines. La plupart des femmes que j’ai rencontrées, sportives, policières, politiques ou militaires évoquent ce traitement sexiste : les surnoms méprisants, les blagues graveleuses… Selon elles, il suffit d’en rire ou de l’ignorer. Elles ont tort. Certes, elles sont très courageuses. Mais tant qu’on laissera passer ce genre de propos, et notre Assemblée Nationale est édifiante en la matière, on n’avancera pas.

Au final, qu’en pensez-vous ?
Eh bien, je le répète, je ne cautionne pas la violence. Mais le fait que les femmes puissent accéder à ces milieux masculins, même violents, même hors-la- loi, cela élargit leurs horizons : elles ont aussi ce choix-là. Et ça, c’est un pas de plus vers l’égalité.

propos recueillis par Olivia Volpi, photos : Warner Bros France / DR - Actes Sud

à lire / Guerrières ! A la rencontre du sexe fort, Éd. Actes Sud, 320p., 22,50€

Articles similaires