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Sérieusement indisciplinée

© F-X Beague

Un carrefour, un havre et une rampe de lancement : difficile de choisir un point de vue. D’embrasser d’un seul regard les mutations d’une cité industrielle et artiste. Second port d’Europe, pôle commercial et capitale de la mode, Anvers veut tout. C’est beau, une ville qui compte, mais ne s’en contente pas !

Lever de rideau : ici comme ailleurs, la Cathédrale, la Grand Place et l’Hôtel de ville assurent majestueusement la représentation – rien ne bouge. H ors de cet auguste périmètre, en revanche, c’est une autre histoire : aux abords du Modenatie (complexe réunissant le Musée de la Mode, le Flanders Fashion Institute et le Département Mode de l’Académie Royale des Beaux-Arts) le pas des chalands s’accélère, d’une vitrine l’autre, et l’on retient son souffle, avant la ruée…

© Sarah Blee

© Sarah Blee

Quel chantier !
Échappé de ces dangereux parages par goût de l’ascèse (possible) ou faute de liquidités (beaucoup plus probable), le promeneur se heurte à son premier sujet d’étonnement. Tandis qu’un passé glorieux peut figer une ville, Anvers exploite ses richesses pour en faire autre chose qu’un objet de contemplation. Les chantiers y sont toujours nombreux : c’est le stigmate le plus visible de mutations permanentes. Ainsi du très classique théâtre Bourla, rénové pour devenir l’un des pôles de création contemporaine les plus avancés, sous l’impulsion du chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui et de la compagnie H et Toneelhuis, qui en a fait son laboratoire. Ou encore des 12 hectares du parc du Musée Middelheim, ancien jardin de plaisance reconverti en parc d’exposition, où le jogger débonnaire peut croiser tout le gotha de la statuaire moderne. À Anvers, la réinvention elle-même a quelque chose d’une tradition.

Anvers ville ouverte
Reste, pour fédérer les énergies dans cette ville d’art et d’échanges, une ambition commune : pérenniser son rayonnement. Il est frappant de constater l’importance accordée par les institutions culturelles, aux départements éducatifs et techniques : non contents de préserver un fonds, le Musée de la photographie comme celui de la mode entendent susciter, stimuler et soutenir la créativité des talents émergents. Avec le Trix, cette optique atteint son point de perfection. Ce n’est même plus une salle de spectacles : c’est un véritable campus créatif. Où l’on donne aux artistes les moyens d’être libres : salles de répétitions, masterclasses au sous-sol – et la perspective de gagner progressivement les étages supérieurs du club et de la grande scène. Volonté politique (locale), investissements lourds : bénéfices exponentiels. Ou comment aller au-delà de la simple exposition, et se promettre un avenir. Le meilleur point de vue sur Anvers, en définitive ? Ce serait un ciel strié de flèches : celles de dômes élégants, de grues industrieuses, de buildings imposants et d’antennes qui prospectent. Le panorama qu’offre précisément à ses visiteurs le toit du MAS sur la ville qu’il domine. Une nouvelle manière de phare ou de beffroi, qui concrétise l’identité d’une cité ouverte sur le monde, mais sur le mode actif : celui de la conquête.

© Ronald Stoops

© Ronald Stoops

Académie et MoMu
Mêlant austérité flamande et esprit avant-gardiste, la mode anversoise concilie underground et institution. Un exemple ? Les éboueurs anversois sapés par Van Beirendonck, membre éminent de la fameuse Bande des Six (avec Ann Demeulemeester, Dries Van Noten…). Autre tradition anversoise, le mariage de l’Histoire et de l’avenir, de l’enseignement et de la mémoire : pas un hasard si un même bâtiment abrite l’Académie d’Anvers et le Musée de la Mode (MoMu). Le département mode de l’Académie a été créé dans les années 60, soutenu par une forte volonté politique. L’histoire retiendra la précitée bande des Six ou encore Martin Margiela, qui ont assis sa réputation internationale. Propriétaire d’un fonds de plus de 25000 pièces, le MoMu a quant à lui marqué les récentes années grâce à des expositions passionnantes, consacrées au papier, ou à la couleur noire. Si certains accrochages semblent s’adresser aux seuls étudiants avertis, rien n’empêche d’y faire un tour. D’autant qu’au rez-de-chaussée, une librairie débordant d’ouvrages vous tend les bras.

FOMU
Sans épate, le Musée de la photographie (FoMu) expose des clichés signés Nadar, Man Ray ou William Klein à quelques pas d’anonymes albums de familles. Comme pour signaler que la photographie, en sus d’être un art, est également une pratique quotidienne pour le peuple. Le grand public est d’ailleurs associé aux nombreuses conférences et ateliers, de même pas 7 ans à 77 ans. En attendant l’exposition consacrée à Weegee, ce chasseur de scoops macabres, on ne manquera pas From Here On, qui se penche sur le recyclage d’images glanées sur le web, le droit d’auteur, la propriété intellectuelle, le respect de la vie privée et l’avenir de la photographie. Bref, le FoMu n’oublie jamais qu’un musée demeure avant tout un lieu de transmission et d’apprentissage.

© DR

© DR

Café d’Anvers & Petrol
Le plus ancien club house du Bénélux fut longtemps considéré comme la Mecque belge des musiques électroniques… Un comble, car le Café d’Anvers est situé dans une ancienne église, qui se trouve elle-même dans le quartier rouge de la ville ! Loin de se reposer sur ses lauriers, l’antre accueille de nombreux Dj’s résidents et quelques pointures internationales (Gui Boratto et Paul Johnson en juin dernier par exemple). L’autre lieu qui monte, le Petrol Club, offre une programmation plus variée, entre dub, stars du boum boum (Sickboy, Nout Heretik) ou hip-hop (Lil B). Bref, deux lieux immanquables… mais difficile d’en dire plus, car nos belles nuits blanches se terminent invariablement en jolis trous noirs.

Les Enfants Chéris

Rubens
On peut prononcer Rubènse. Ou Rubinse. C’est vous qui voyez. Pierre Paul était plutôt doué pour les grands thèmes baroques (David et Goliath, Romulus et Rémus) et les portraits de people (Marie de Médicis,… ). Mais il n’avait aucun sens de l’humour. En tout cas, ça ne transparaît pas dans ses tableaux.

© Koen Broos © Kris Dewitte

© Koen Broos © Kris Dewitte

Tom Barman
Non content d’être le taulier du plus célèbre des groupes belges (dEUS), Tom Barman est également réalisateur. Jetez donc un œil à Any Way The Wind Blows (2003). Tout l’art du maître est là !

Matthias Schoenaerts
Vu la carrure du gaillard, on ne va pas écrire n’importe quoi. Révélé dans le précité Any Way The Wind Blows, cet acteur animal a également tourné chez Verhoeven (l’excellent Black Book, 2006), mais prouvé qu’il avait un petit cœur qui bat avec Audiard (De Rouille Et D’os, 2012). L’autre MAS d’Anvers, c’est lui.

Sidi Larbi Cherkaoui
Végétarien, bouddhiste et homosexuel. Cumulard ! Toujours du côté des minorités, cet incurable humaniste ne fait rien comme personne, révolutionne la danse contemporaine, confronte les genres et construit peu à peu une oeuvre acclamée de toutes parts. Le mec énervant, quoi.

Jan Fabre
« L’animal est le meilleur docteur et philosophe de l’homme. On peut apprendre beaucoup de lui ». Quand c’est Jean-Claude Van Damme qui dit ça, tout le monde rigole. Mais si c’est Jan Fabre, on trouve ça brillantissime. Faut dire que l’homme, qui joue avec des carapaces de scarabées ou son propre sang, est plasticien, performer, chorégraphe, dramaturge… Alors forcément, ça en impose, hein.

François Xavier Beague et Thibaut Allemand
Informations
Anvers, MoMu

Site internet : http://www.momu.be/

Anvers, FoMu

Site internet : http://www.fotomuseum.be

Anvers, Café d'Anvers

Site internet : http://www.cafe-d-anvers.com/

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