Home Reportage Antiquus Corvus

Seconde nature

Derrière les murs de l’ancienne brasserie de Mutzig, les animaux reprennent vie. Au centre de cette bourgade de 6 000 âmes, située à une vingtaine de kilomètres de Strasbourg, on trouve en effet un étrange atelier

Dédié à l’entomologie, la taxidermie et la promotion de l’être vivant dans ce qu’il a de plus poétique, l’endroit est baptisé Antiquus Corvus. « Cela signifie “vieux corbeau”. On voulait un nom latin, comme pour toutes les espèces qu’on traite. Et le corbeau, c’est parce qu’on s’habille tout le temps en noir. Mais attention, on ne tire pas la tronche ! », plaisante Olivier Gauer, installé ici avec sa compagne, Caroline Gife. Au milieu de ces quelque 300 m2, le couple rayonne. Dans un poêle en faïence crépite un feu qu’alimente le quadragénaire, sableur de profession. Sur les murs courent cadres, babioles… mais aussi des papillons, un écureuil coiffé d’un minuscule haut-de-forme ou une chauve-souris que l’on croirait prête à s’envoler ! Tout ici respire la considération de l’animal et de la nature. Photographe à son compte, Caroline s’est prise de la même passion il y a deux ans. De fil en aiguille, réseaux sociaux et médias locaux aidant, cette idée d’un soir s’est transformée en atelier.

Petit dragon volant d'Indonésie Photo Antiquus CorvusLa main à la “patte”

Une mezzanine en bois à l’étage est dédiée à leur art. Des pigments, une table à dessin et, sur les étagères des boîtes étiquetées aux noms aussi évocateurs que “batraciens”, “univers marin” ou “sphinx tête de mort”. Dans les contenants, chaque spécimen semble comme assoupi sur un lit de coton, attendant les mains expertes de qui voudrait le magnifier. Pour l’heure, ils ne se sont pas encore mis à la naturalisation à proprement parler et récupèrent des spécimens déjà confectionnés. Caroline redresse des petits mammifères ou insectes sur des tiges, tandis qu’Olivier assure des mises en scène naturelles, autour de crânes ou d’ossements. Un travail minutieux mais des créations qu’ils souhaitent accessibles. En témoignent les tarifs de quelques pièces : cette étoile de mer sur tige de laiton à 8 € ou cet oiseau S itta Azurea E xpectata d’Indonésie sous cloche de verre et socle de bois (120 €).

© Antiquus CorvusDans les règles

Certaines espèces étant rares, ils se les procurent avec parcimonie. « On respecte l’animal, on ne recherche pas le quantitatif », assure la trentenaire. Ils observent d’ailleurs toutes les lois en vigueur, soucieux de ne pas favoriser le braconnage. En revanche, « on chine beaucoup, glisse Olivier. Il y a internet, les marchés aux puces, mais on privilégie d’anciennes collections, dans un esprit de recyclage et parfois d’élevage. Chaque pays accepte d’ailleurs un quota concernant l’export d’animaux sauvages ». Pour autant, la passion n’est pas encore devenue métier et l’atelier n’est pas ouvert au public. « C’est chez nous, et c’est aussi l’envers du décor », insiste Caroline. Les deux artistes sont toutefois entrés en contact avec un de leurs lieux favoris pour obtenir conseil : le musée zoologique de Strasbourg. Le couple lui prêtera quelques pièces cet été, à l’occasion d’une exposition. Leurs créatures entamerontlà leur première migration. Car ici, secrètement, il se murmure qu’ils reprennent vie…

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Elisabeth Vetter
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