Home Exposition Phallus. Norme & Forme

Masculin pluriel

© Martin Corlazzoli

Inauguré en octobre 2020 au coeur du Jardin botanique de Gand, à deux pas du S.M.A.K., le Ghent University Museum (GUM) se veut un lieu dédié à la recherche et à la pensée critique. À l’occasion de sa toute première exposition temporaire, il frappe fort : sous la ceinture ! Mêlant science et art, ce parcours ausculte le phallus sous toutes ses formes, et remet en question bien des normes. Pourquoi place-t-on cet organe sur un piédestal ? De quoi est-il le symbole ? Fait-il seulement l’homme ? Ou comment baisser le regard pour élever la réflexion.

Il se dresse au centre de la pièce, et résume à lui seul le propos. Constitué de papier mâché, datant du XIXe siècle et œuvre du médecin Louis Auzoux, ce modèle anatomique d’un homme a le regard fixé sur son pénis en érection – un phallus, donc. Est-il embarrassé, fier de ses attributs ou plongé en plein doute ? « Ce que vous avez entre les jambes ne doit pas vous définir », lui répondrait Lyvia Diser, collaboratrice scientifique de cette exposition, dont le but n’est autre que de briser les stéréotypes associés au membre viril, et plus largement à cette vision longtemps binaire de l’identité sexuelle. Ces représentations en cire de personnes situées entre les deux sexes remettent en question l’idée même de norme. Ici, un vagin surmonté d’un pénis, là un gros clitoris avec des testicules… en tout cas des particularités physiques rendant impossible toute “classification” comme homme ou femme. D’ailleurs, 1,7 % de la population mondiale serait intersexuelle, « ce qui est comparable au nombre d’enfants naissant avec des cheveux roux », selon notre guide, qui nous rappelle qu’il n’y a pas si longtemps, ces personnes étaient montrées dans des cirques – littéralement comme des bêtes de foire…

© Martin Corlazzoli

© Martin Corlazzoli

Pénis floral

Œuvre phare de cet accrochage, la gravure du Britannique Grayson Perry brouille un peu plus cette frontière entre les genres, et ébranle la notion de masculinité, toujours bien ancrée dans l’imaginaire collectif. L’artiste se représente ici comme un individu transgenre, allongé sur un canapé, dans une pose renvoyant à la tradition classique du nu féminin – façon Olympia d’Édouard Manet. Autour de lui, dans son appartement, trônent tous ces hobbys censés occupés les “vrais mecs” – comme cette grosse moto… En tout cas, la nature est bien plus complexe qu’on le croit, et le pénis humain n’a rien d’exceptionnel, y compris dans sa forme. En témoignent les créations de la Colombienne Maria Fernanda Gardoso, qui expose des agrandissements à taille humaine de pénis de faucheurs, ces fameuses araignées à longues pattes. Surprise, l’organe ressemble… à une fleur.

Maria Fernanda Cardoso - Agrandissements de phallus d'araignées ©Martin Corlazzoli

Maria Fernanda Cardoso – Agrandissements de phallus d’araignées ©Martin Corlazzoli

Question de taille

Bien plus qu’un organe génital, le phallus est également un symbole, de pouvoir, de puissance, sans que cela soit toujours justifié. Ce n’est pas le lion qui dira le contraire : le roi de la jungle possède un tout petit zizi ! Oh, ce n’est pas la taille qui compte. D’ailleurs, nombre d’études ont été menées sur cette obsession. A Gand, deux cartes du monde nous montrent chacune une enquête différente, pour des résultats loin d’être objectifs : ainsi un même pays comme (au hasard) la Bolivie, se retrouve à la fois deuxième et… 32e dans le grand classement planétaire de ce futile jeu des comparaisons. Eh oui, personne n’utilise la même méthode et, parfois, c’est le cobaye qui se mesure lui-même ! Vous avez dit absurde ? On se rassure, selon les scientifiques, la moyenne (allez, disons 15 centimètres) correspondrait au format idéal attendu par les femmes hétérosexuelles. « Notez que cette question se focalise encore sur la pénétration, comme si seule cette pratique comptait pour la recherche…», remarque Lyvia Diser.

Représentations de clitoris © Martin Corlazzoli

Représentations de clitoris © Martin Corlazzoli

Sous les jupes des filles

À bien y regarder, nos savants (longtemps des hommes) ont toujours eu cette fâcheuse tendance à dénigrer l’anatomie des filles – symptôme d’une société phallocentrique. Et c’est seulement en 2005 que l’urologue australienne Helen O’Connell découvre que le clitoris est bien plus complexe qu’un simple petit bouton… et qu’il ressemble beaucoup à un phallus. « Mais aujourd’hui encore, cette forme est l’objet de débats ». Au fait, savez-vous seulement dessiner un sexe féminin ? Si l’être humain voit des pénis en érection partout (dans un gratte-ciel, une banane), il a aussi pris l’habitude d’en recouvrir les murs. Au GUM, de fausses toilettes ont été mises à disposition pour tester les talents de chacun et chacune – histoire de retrouver la vulve, sans doute.

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Salle Gender Blender  © Peur du loup

Salle Gender Blender © Peur du loup

Julien Damien // Photo : Sofie Muller - serre Victoria © Martin Corlazzoli
Informations
Gand, Ghent University Museum (GUM)
24.03.2023>16.04.2023lun, mar jeu & ven : 9h30-17h30 • sam & dim : 10h-18h, 8 > 2€ (gratuit -18 ans),
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