Home Reportage Køn Gender Museum

Unique en son genre

Ulf Pilgaard, The Queen's Last Wave par le photographe Martin Bubandt © Peur du loup

Près de la cathédrale d’Aarhus, sur la côte est du Danemark, s’élève un élégant bâtiment de briques rouges. Édifié en 1857, tour à tour hôtel de ville puis commissariat, il est devenu en 1982 le musée de la Femme. Durant presque 40 ans, ses 1 200 m2 furent exclusivement dédiés aux combats menés par ce que Simone de Beauvoir nommait “le deuxième sexe”. L’évolution de la société sur la question du genre l’a depuis incité à opérer sa transformation. Appelez-le dorénavant Køn Gender Museum ! 

Au pays des Vikings, l’égalité des sexes n’est pas une vue de l’esprit. Le Danemark a accordé le droit de vote aux femmes dès 1915 et reste le premier état au monde à avoir nommé une ministre, neuf ans plus tard. Dans les seventies, inspiré par les féministes américaines des Redstockings (“bas rouges”), le mouvement Rødstrømper participe lui aussi à l’émancipation des Danoises. Ces activistes luttant pour le droit à l’avortement sont d’ailleurs à l’origine de la création du Kvindemuseet (“musée de la Femme”), inauguré en 1982 à Aarhus – soit la deuxième plus grande ville du pays après Copenhague. Une salle leur est d’ailleurs dédiée. Des photographies montrent des militantes défilant avec faux-cils et faux seins, voire en culotte. Au milieu des banderoles, badges ou flyers, on trouve également un livret empli de clichés et de croquis de vulves, évoquant sans tabou l’orgasme féminin… Mais depuis, la société a évolué, et les questions se bousculent : Qu’est-ce que la norme ? Quelle importance d’être né(e) garçon ou fille ? Tout cela a amené le musée à élargir son domaine de compétence pour s’intéresser plus globalement au genre, en 2021.

Une longueur d’avance

Avant d’accéder aux étages du musée, le visiteur est interpellé par un saisissant portrait : celui d’un septuagénaire outrageusement bronzé et torse nu, affublé de boucles d’oreille et d’un collier de perles. Il s’agit d’Ulf Pilgaard, acteur danois ayant campé… la reine Margrethe du Danemark. « Rien de choquant, lance Jacob, un Copenhaguois. Pourquoi un homme ne pourrait-il pas être une femme, après tout ? ». Pas faux. Et sur ce sujet, le Danemark est aussi très ouvert. Dans les années 1930, l’artiste peintre Einar Wegener, plus connu sous le nom de Lili Elbe, fut ainsi l’une des premières personnes au monde à bénéficier d’une opération chirurgicale pour changer de sexe, et devenir une femme. En 1933, le pays légalise les rapports homosexuels et, en 1989, devient le premier du globe à reconnaître les couples gays.

Photo : Peur du loup

Photo : Peur du loup

Mélange des genres

À ce propos, saviez-vous que Facebook Danemark référence 68 genres ? Homme, femme, transgenre, mais aussi “demiboy/girl”, intergenre, gender fluid… Dans la salle Gender blender, chacun est d’ailleurs invité à questionner le sien. Une cabine d’essayage permet également de se glisser dans la peau du sexe opposé en portant des postiches de seins, de fesses, un ventre de femme enceinte ou un pénis. Même la cafétéria du Køn Gender Museum est régulièrement le théâtre de causeries et débats sur le sujet. Des thématiques qui semblent intéresser les jeunes puisque 63 % des visiteurs ont entre 14 et 29 ans. « Venir ici nous permet de voir où nous en sommes, les combats gagnés et ceux qui restent à mener », déclare par exemple Metti. Nul doute que la prochaine exposition temporaire, en mars, soulèvera aussi son lot de questions. Baptisée Carry Me, celle-ci promet d’explorer l’histoire de l’identité féminine et masculine à travers celle du sac à main lors d’une visite, évidemment, unique en son genre.

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Sofie Muller - serre Victoria © Martin Corlazzoli

Sofie Muller – serre Victoria © Martin Corlazzoli

Audrey Chauveau // Photo : Peur du loup

À visiter / konmuseum.dk

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