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Cuisine et dépendances

LOOSELEAF © Lexicon Love

Lexicon Love, aka Harriet Moutsopoulos, est une artiste singulière. Installée à Sydney, cette collagiste s’amuse à poser de la nourriture sur des portraits, cuisinant des œuvres absurdes, intrigantes et saupoudrées d’humour. Mais au-delà de l’aspect comique de son travail, notre gastronome australienne entend bien bousculer les standards de beauté qu’elle juge hypocrites. Entretien avec une jeune femme qui n’hésite jamais à en mettre plein la tronche à ses sujets !

Quel est votre parcours ? D’aussi loin que je me souvienne, enfant, je découpais, collais et créais toutes sortes de choses. Les arts plastiques étaient ma matière préférée à l’école. J’ai ensuite été acheteuse et travaillé durant 20 ans pour les plus gros groupes nationaux et internationaux de commerce de détail en Australie. Mais il me manquait quelque chose. En 2016, une rencontre fortuite avec Koziol, une marque allemande, a donné lieu à ma première commande de collage. C’était inattendu mais à ce moment précis, ma vie a enfin pris un sens. J’ai quitté la vie d’entreprise pour poursuivre mon premier amour, et je suis devenue artiste à temps plein !

Pourquoi ce pseudonyme, Lexicon Love ? J’adorerais dire qu’il a une signification profonde, mais en réalité Lexicon est le nom d’une couleur de peinture murale que j’adore !

Cleaning Windows © Lexicon Love

Cleaning Windows © Lexicon Love

Comment présenteriez-vous votre travail ? Ce sont des thèmes visuels entrant en collision, saupoudrés d’une pincée d’humour tordu.

Pourquoi plaquer des aliments sur des portraits ? Tout a commencé début 2017. A première vue, cette combinaison semble absurde. C’est une extension de mon propre sens de l’humour, en quelque sorte. En cachant le visage de mes portraits principalement féminins avec de la nourriture, je leur construis de nouvelles histoires, de nouvelles identités, perturbant mes propres notions de conformité.

Comment travaillez-vous ? La plupart de mes images proviennent du milieu XXe siècle. Ce sont des pépites dénichées dans des banques d’images, déclenchant mon processus créatif. Cette abondance de portraits anonymes et de mises en scène me fournissent un parfait point de départ. Mes compositions sont épurées grâce à une forme d’autocensure : je n’incorpore jamais plus de deux ingrédients, trois en de rares occasions. Cela me permet d’attirer l’attention du spectateur et d’atteindre cet espace éthéré, entre l’harmonie et le chaos.

This is not a Mushroom © Lexicon Love

This is not a Mushroom © Lexicon Love

De quelle technique usez-vous ? Mon approche est analogique, j’utilise principalement des moyens digitaux pour la composition. Le challenge étant de préserver les légères imperfections propres au fait-main. Pour cela, je rejette les logiciels sophistiqués comme Photoshop ou Illustrator. Mes outils de prédilection sont extrêmement basiques et imitent au plus près les techniques physiques. C’est comme travailler avec ses mains.

Comment choisissez-vous la nourriture associée à ces clichés ? Quand je trouve la photo idéale, je sais instinctivement avec quel objet ou aliment je vais travailler. Mon objectif est de perturber le regard du spectateur, de le transporter dans le lieu et l’époque de son choix. Masquer le visage de ces personnes avec des aliments particuliers ne remet pas seulement en cause les traditionnels et irréalistes canons de beauté. Je veux aussi susciter de l’empathie pour mes sujets, et leurs potentielles histoires.

L’humour semble occuper une place importante chez vous, n’est-ce pas ? Mon travail compile humour et tragédie, deux concepts intrinsèquement liés. A première vue, ces éléments ne semblent pas aller de pair, et pourtant ils sont totalement inséparables. Leur relation est compliquée mais l’un ne va pas sans l’autre. C’est en combinant les deux que la magie surgit.

SWALLOW THE HURT  © Lexicon Love

SWALLOW THE HURT © Lexicon Love

Vous a-t-on déjà dit que c’était mal de jouer avec la nourriture ? Jamais (rires) ! Je suis d’origine grecque, notre attachement à la bonne chère est profond. Cela constitue notre identité culturelle, la base de nos relations.

Plus généralement, où trouvez-vous l’inspiration ? Mes principales influences sont l’artiste comique et absurde Maurizio Cattelan, les dadaïstes et John Stezaker.

Quels sont vos projets ? Je bosse actuellement sur un collage grand format pour un client à Sydney, et sur une pochette d’album pour un groupe anglais très en vogue… En même temps, je poursuis mes projets personnels, alimentant les réseaux sociaux et ma créativité.

Propos recueillis par Tanguy Croq

A visiter / www.lexiconlove.com

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